Les 5 empêchements - Le désir
D'après "A propos des 5 empêchements" par Ajahn Akincano
Les empêchements sont ce qui nous empêche de pouvoir unifier notre esprit et nous les rencontrons obligatoirement tout au long de notre pratique. Comprendre leur dynamique va nous donner la capacité de les traiter.
Chacun de nous aura sans doute un empêchement qui sera plus difficile à vaincre. D'autre part, rien n'étant permanent, un empêchement pourra prendre le dessus en fonction du moment. En réalité, ils sont tous là, l'un après l'autre, voire plusieurs en même temps. En étant attentif, on est capable de les observer et l'empêchement devient alors un objet de méditation comme un autre. C'est lorsque l’on n’est pas conscient d'un empêchement que c'est le plus difficile car comment vaincre quelque chose dont on a pas conscience? Il faut donc être attentif durant la méditation formelle, mais aussi durant la vie de tous les jours, afin de les remarquer au moment où ils apparaissent ou même après leur apparition.
1er empêchement
Le désir pour les plaisirs des sens - le désir sensuel
Analogie : L'homme n'est pas capable de reconnaître son propre visage car l'eau a été altérée par la couleur
Quel est le problème ? Un esprit qui essaie de trouver l'unification, le calme, n'y parvient pas car il y a un désir pour toutes sortes d'expériences sensorielles.
Quelles sont ces expériences ? Dans la psychologie bouddhiste on parle de six sens et non de cinq, comme dans la psychologie occidentale. Les expériences sensuelles ne sont pas seulement la convoitise ou la sexualité… mais concernent l'ouïe, l'odorat, la vue, le toucher, le goût et aussi, très important, notre imagination – la capacité de notre mental à avoir des conceptions, la parole intérieure, des notions intellectuelles, des images… La plupart de nos distractions sensuelles sont dans le domaine de notre mental et sont fortement liées à notre capacité de nous souvenir de ce qui nous a touché, de ce que nous avons pensé, de ce que d'autres ont pensé, de ce que nous avons lu, étudié… toutes sortes de choses dont nous avons fait l'expérience et qui deviennent un objet potentiel de désir. Quelques exemples :
Le simple désir de chanter une petite mélodie qui tourne dans votre tête, ou de rechercher la fin d'une mélodie que vous avez écoutée. Ou bien, vous vous souvenez avec ravissement d'un texte ou d'un poème… ça remonte pendant que vous méditez.
Une expérience sensorielle immédiate : pendant que vous méditez, le chat grimpe sur vos genoux, commence à ronronner. Normalement vous lui caressez le dos, le chat vous aime, vous aimez le chat… c'est un désir sensuel, très sympa, très calme, très direct. Mais là vous méditez alors vous ne le caressez pas parce que vous ne voulez pas interrompre la méditation, mais vous aimez bien le contact chaud du chat et puis ça vous amuse de penser que le chat médite avec vous...
Notre stock d'objets potentiels de désir sensuel est important : Tout ce dont nous nous souvenons peut aussi servir d'objet de désir sensuel - ce qu’on touche, sent, goûte… - mais aussi tout ce que nous avons déjà vécu, dont nous nous souvenons et que nous pouvons imaginer.
C’est loin, souvent, de notre volonté. Nous ne sommes pas maîtres de nos pensées. Nous pouvons penser n'importe quoi. Il y a une immense partie irrationnelle de l'esprit humain qui se braque contre notre volonté (celle de méditer dans le cas présent).
Que faire ? Fermer la porte pour que le chat ne vienne plus? Ou laisser la porte ouverte pour arriver, un jour, à ne plus ressentir de plaisir sensuel lorsque le chat se couche sur nos pieds? La meilleure solution c'est sans doute de laisser la porte ouverte et d'observer son état d'esprit à ce moment précis : prendre cet état comme objet d'observation afin de ne plus être inconscient de cet empêchement.
Se libérer du désir sensuel reste, dans la pratique de la méditation, un stade assez tardif. Aussi subtil que ce soit, il reste quand même un certain degré de désir.

Akincano Marc Weber est né à Berne, en Suisse. Il a pratiqué le zen avant de prendre les vœux d'un moine théravada dans la Tradition de la Forêt d'Ajahn Chah. A partir de 1985 il reçut sa formation bouddhiste auprès d’Ajahn Sumedho et de Bhikkhu Payutto (Thaïlande). Il connaît le thaï et le pali (l'allemand, le français et l'anglais) et a passé plusieurs années en Thaïlande avant de s'établir en 1998 dans un monastère des Alpes suisses. En 2005, après vingt ans de vie monastique, il est retourné à la vie laïque. Aujourd’hui il enseigne la méditation et la pratique bouddhiste dans toute Europe et en Israël. Il s' intéresse particulièrement à une compréhension authentique des textes bouddhistes anciens, et tente d'établir des ponts entre une pratique contemplative et une psychologie occidentale. Akincano a une M.A. en psychothérapie bouddhiste. Il vit à Cologne.
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