1ère et 2ème Nobles Vérités
Le premier enseignement du Bouddha traite donc de duhkha et est un traité en deux parties :
Le problème et sa cause (1ère et 2ème nobles vérités)
La solution et sa cause (3ème et 4ème nobles vérités)
On part de la conséquence (de la constatation, de l'expérience vécue, du phénomène perçu) pour remonter à sa cause. Ce discours est symptomatique de la démarche proposée par le Bouddha : s'intéresser aux phénomènes (dharma avec un d minuscule) qui, parce qu'ils sont ordonnés en série phénoménale conditionnée, révèlent le Dharma (avec un D majuscule qui signifie ordre du monde ou réalité telle qu'elle est).
1ère Noble Vérité
Voici ô bhikkhu, la Noble Vérité de dukkha: La naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha, la maladie est dukkha, la mort est dukkha, être uni à ce que l'on n'aime pas ou ce qui déplaît est dukkha, être séparé de ce que l'on aime ou de ce qui plait est dukkha, ne pas obtenir ce que l'on désire est aussi dukkha. En bref, les cinq agrégats d'attachement sont dukkha.
Remarque : dukkha (en langue pali) ou duhkha (en langue sanskrite) Naissance : signifie en sanskrit processus de la conception à l'accouchement. On doit le traduire par processus de croissance Vieillesse : processus de décroissance Maladie : événement qui interrompt la croissance qui engendre le processus de décroissance Mort : événement qui interrompt le processus de décroissance et engendre le processus de croissance.
Dans cette conception, la mort est un problème non pas parce qu’elle met fin à la vie mais parce qu'elle donne naissance à la vie. Elle est suivie par autre processus de génération (existences successives). La 1ère noble vérité dit qu’il y a un enchaînement incessant de phénomènes non durables (que l'on traduit comme impermanents). Et c'est cette non durabilité qui est duhkha.
2ème Noble Vérité
Voici, ô bhikkhu, la Noble Vérité dite l’origine de dukkha: C'est la "soif" liée au plaisir et à la convoitise qui produit les renaissances. Elle fait ces délices de ceci et de cela, autrement dit c'est la soif tendue vers les plaisirs des sens, la soif de l'existence ou du devenir et la soif de la non-existence et de l’annihilation.
Soif : le mot sanskrit signifie torride torréfié, desséché à mort. Il s'agit d'une soif intense, existentielle ou désir de :
la soif de la non-existence et de l’annihilation: la non existence d’une réalité que je refuse car elle ne correspond pas à mon désir (être uni à ce que l'on n'aime pas ou ce qui déplaît est dukkha)
la soif de l'existence ou du devenir : l’existence d’un plaisir que je veux voir continuer et ne pas disparaître (être séparé de ce que l'on aime ou de ce qui plait est dukkha)
Ce qui est agréable (que j'aime, que je désire) est agréable pour moi (ma vision du monde est plus importante que le monde tel qu’il est). Le problème ne vient pas du monde mais de la pensée passionnée qui interprète le monde et en façonne une image en vue de me donner du plaisir. Le problème racine est donc que l'on désire et non pas ce que l'on désire. La cause de duhkha n'est pas le monde qui est neutre mais le désir que j’ai vis-à-vis du monde. Aucune chose n’est désirable en soi. C’est mon désir qui la rend désirable. La soif de mon plaisir => LE DÉSIR DE MON PLAISIR
Si on veut comprendre le désir il faut s’interroger sur la question du moi qui fonde le désir. Moi et le monde sont liés : tout ce qui n’est pas moi est le monde. Et qu'est-ce que le moi ? Le Bouddha répond : en bref les 5 agrégats d’attachement sont duhkha
Le mot agrégat est un anglicisme. Il vaut mieux parler d’ensembles ou de masses de choses qui ne sont importantes que parce qu’elles génèrent un attachement.
Attachement : le mot sanskrit signifie aussi combustible c'est à dire ce qui permet à quelque chose de continuer.
Rappel rapide sur les 5 agrégats
Quand on perçoit un phénomène, on l'associe à une forme et on lui donne un nom. Ce sont des processus mentaux extrêmement rapides qui se produisent à chaque instant.
La forme est associée au physique (le corps, mais aussi les sens et tout ce qui est lié au matériel et qui nous permet de percevoir ce phénomène)
Le nom est réparti en 4 processus :
les sensations (j'aime, je n'aime pas et neutre),
les perceptions (la reconnaissance en tant que concept, le classement en catégorie...),
les volitions (toutes les pensées et émotions liées à notre mémoire et qui seront à la racine de l'acte engendré par le phénomène)
et enfin les actes de conscience (visuels,tactiles, mentaux.... qui sont inhérents aux autres agrégats et qui font que "je" me considère comme distinct du phénomène et que "je" crée une idée de moi-même différente du phénomène)
Pourquoi cet ensemble de processus mentaux concourent-ils à idée du moi ?
Fondamentalement le moi est ce qui éprouve du plaisir ou de la souffrance : tout le reste est subordonné à cela. Il veut que le plaisir dure et que la souffrance cesse "être uni à ce que l'on n'aime pas ou ce qui déplaît est dukkha, être séparé de ce que l'on aime ou de ce qui plait est dukkha ". Dans le plaisir, le moi a un projet, une projection de lui-même pour que dans la situation future, il ressente même plaisir et reste identique dans cette situation de plaisir "l'origine de duhkha est la soif de l'existence ou du devenir et la soif de la non-existence et de l’annihilation". Devenir et annihilation représentent la projection vers le futur.
Mais maladie et mort c’est-à-dire l’impermanence viennent contrecarrer ce plaisir "La naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha, la maladie est dukkha, la mort est dukkha". Cette idée de moi identique n’existe pas dans la réalité. Il y a création en fonction des circonstances d’une idée du moi en espérant qu’elle va durer "L'origine de duhkka, c'est la "soif" liée au plaisir et à la convoitise qui produit les renaissances".
Ce processus de reproduction du moi est lié à l'intention / volition (soif / désir de ce que je veux) c'est à dire le 4ème agrégat. On ne retient que ce qui permet de croire à réalité du moi et on rejette le reste (2ème agrégat). C'est un processus qui se répète et est reproduit à chaque instant.
En conclusion, la façon dont je me vois ou l’idée que je me fais de moi-même est fabriquée en permanence au travers des 5 ensembles d’attachement. Nous nous faisons renaître au travers de nos attachements et de nos projections de l’avenir. Ce qui renaît n’est pas nous mais une image de nous, la fabrication mentale du moi car il n’y a pas de moi au présent mais les 5 ensembles d’attachements.
Si on veut éprouver du plaisir, on doit avoir un moi. Si le moi n’existe pas, on doit le fabriquer. En le fabriquant on se confronte à la réalité et donc, on éprouve de la souffrance "En bref les 5 agrégats d'attachements sont duhkha"

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