La parole juste
L'octuple Sentier des Nobles : Sila
D'après Bhikkhu Bodhi
La Parole Juste est le premier aspect de la discipline éthique (Sila). En tant qu'humain nous sommes des êtres de la communication et celle-ci passe par la parole (et aujourd’hui par l’écriture et par l’image). La communication est déterminante dans notre relation aux autres pour préserver de l’harmonie. Elle est présentée en 4 en quatre aspects : s’abstenir de paroles fausses, s’abstenir de paroles médisantes, s’abstenir de paroles dures et s’abstenir de paroles futiles.
S’abstenir de fausses paroles
« La personne évite le mensonge et s’abstient de la parole fausse : elle parle vrai, est engagée dans la vérité, crédible, digne de confiance, elle ne trompe pas autrui. Lors d’une rencontre, parmi des gens, avec des proches, dans la société, ou à la cour du roi, étant appelée et questionnée pour être témoin de ce qu’elle sait, elle répondra, si elle ne sait rien : « Je ne sais rien » et si elle sait, elle répondra : « je sais ». Si elle n’a rien vu, elle répondra : « Je n’ai rien vu » et si elle a vu quelque chose, elle répondra : « J’ai vu ». Ainsi elle ne dira jamais sciemment un mensonge, que ce soit pour son propre avantage, pour l’avantage de quelqu’un d’autre ou pour un quelconque avantage.»
Cette présentation est faite sous deux aspects : le premier, négatif, s’abstenir de mentir, et le second, positif, dire la vérité. Qu’est la vérité ? Ne pas avoir l’intention de tromper (intention juste) .
Pourquoi mentir ? Par avidité (obtenir des avantages personnels), par aversion (malveillance, blesser ou nuire à autrui) ou par ignorance (mensonge irrationnel ou compulsif, par exagération ou par plaisanterie). Les conséquences du mensonges sont de deux ordres :
Destruction de l’harmonie sociale : Les gens ne peuvent vivre ensemble en société que sur la base d’une confiance mutuelle où ils ont des raisons de croire que les autres disent la vérité. Engagement dans un cercle vicieux qui va demander de plus en plus de clairvoyance et de courage pour le briser : ayant menti une fois, nous sommes poussés à mentir encore pour défendre notre crédibilité, pour dépeindre une image plausible de la situation. En cela le mensonge devient un modèle miniature de tout le processus de l’ignorance.
L’engagement envers la vérité relève du domaine de la connaissance (la compréhension juste) et donc de la sagesse. La sagesse consiste en la réalisation de la réalité des choses telles qu’elles sont et le parler vrai établit une correspondance entre notre propre être intérieur et la nature réelle des phénomènes.
S’abstenir de paroles médisantes - Action réfléchie de blesser
« Il évite les mots médisants et s’en abstient. Ce qu’il a entendu ici, il ne le répète pas là-bas dans le but de causer des dissensions ; et ce qu’il a entendu là-bas, il ne le répète pas ici dans le but de créer des dissensions. Ainsi, il unit ceux qui sont divisés et il encourage ceux qui sont unis à le rester. La bonne entente le rend heureux, il se réjouit et encourage la bonne entente. Et par ses paroles, il répand la bonne entente. »
La parole médisante est en général l’intention de détruire l’autre par le dénigrement verbal (intention cruelle de blesser, désir mauvais de s’attirer de l’affection, plaisir pervers de voir des amis divisés). Les conséquences négatives (karma) deviennent encore plus graves du fait de la réflexion et de la préméditation. Le contraire de la médisance, comme l’indique le Bouddha, est la parole qui encourage l’amitié et l’harmonie. Cela développe la confiance et l’affection des autres qui sentent qu’ils peuvent s’ouvrir sans peur que leurs paroles soient utilisées contre eux.
S’abstenir de paroles dures - En général action impulsive sous le coup de l’émotion
« Il évite le langage dur et s’abstient de l’exprimer. Il parle avec des paroles douces, agréables à l’oreille, aimables, des mots qui vont droit au cœur, qui sont courtois, amicaux, et plaisants à chacun. »
La parole dure est prononcée avec une intention de causer de la peine (aversion) qui prend la forme de la colère. On peut distinguer : - Le discours injurieux : réprimander, railler ou blâmer agressivement avec des mots amers. - L’insulte : blesser l’autre en lui attribuant des défauts qui lui enlèvent sa dignité. - Le sarcasme : parler d’une manière qui semble flatteuse, mais d’un ton si ironique que l’intention de blesser est évidente et cause de la peine. La manière impulsive et sans volonté délibérée font que les conséquences karmiques sont généralement moins lourdes. L’antidote idéal est la patience : apprendre à tolérer le blâme et la critique des autres, être en empathie avec leurs faiblesses, respecter les différences de points de vue, endurer les injures sans se sentir poussé à user de représailles.
S’abstenir de paroles futiles – Limiter la parole aux sujets importants – Le Noble Silence
« Il évite les paroles vaines et s’abstient de les exprimer. Il parle au bon moment, en accord avec les faits, il dit ce qui est utile, parle du Dhamma et de la pratique. Ses paroles sont comme un trésor, prononcées quand il faut, raisonnables, modérées et pleines de sens. »
L’esprit agité, est toujours à l’affût de quelque chose de captivant. Se complaire dans des conversations futiles, « des histoires » rajoute à l’agitation et au manque de sagesse. C'est un obstacle à la présence, à l'attention qui nous permet de voir la réalité telle qu'elle est. Aujourd'hui nous pouvons aussi nous poser la question de notre relation aux médias : notre exposition continuelle à des informations inutiles et des animations "distrayantes" dont l’effet est essentiellement de rendre l’esprit passif. Et nous pouvons réfléchir à ce à quoi nous acceptons de nous exposer

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